Africanesque

Ambiance de salon de coiffure

Peinture enseigne de coiffure africaine
Peinture enseigne de coiffeur africain
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Mia, Leslie et Nadège, les as de la coiffure faisaient bouger le quartier depuis l’ouverture de leur salon : passe-mêches, lace frontale, la Kery Hilson…Elles savaient reproduire à peu de choses près les coiffures des stars. Elles étaient sûres de tout connaître en coiffure jusqu’au jour où Moni poussa le rideau de leur salon : kaba cellulaire* contre la chaleur de février, cheveux attachés dans un foulard et, à la main, un petit sachet. Debout au milieu de leur 15 mètres carrés peu éclairés et au plafond bas, elle salua vivement :

« – Bonjour,

– Bonjour madame, qu’est ce qu’on peut faire pour vous? demanda chaleureusement Mia

– Mes cheveux sont sales et je dois sortir ce soir, il faut les laver, faire un soin et je veux des nattes, sans mèches. Combien ça va me coûter ? J’ai apporté mes produits continua-t-elle en montrant le sachet.

Regard surpris des coiffeuses qui décryptaient le contenu du sachet : une poudre blanche, des citrons, un liquide brun qui semblait être du miel, un avocat, une huile jaune clair non identifiée et du karité en boule comme on en vend au marché. Intriguée, Mia répondit quand même :

– Avec vos produits, on fait le shampoing et le soin à moitié prix, donc 1500 au lieu de 3000, et nous faisons les tresses pour enfant à 2 500. Ca fera donc 4 000.

– Okay ça me va. Je me mets où pour qu’on commence ? Je suis pressée. Dans 1h30 on pourra avoir fini ?

Mia l’invita à s’asseoir en tirant la chaise de la coiffeuse la plus proche de l’entrée, position stratégique pour bénéficier de la lumière du jour et avoir un peu d’air moins chaud qu’à l’intérieur du salon pour la cliente ; Mia dit : « les pros s’en occupent, dans 1h30 top chrono votre coiffure sera terminée ! »

Puis Mia demanda en souriant :

– Vous voulez qu’on utilise vos produits sur vos cheveux comment ? Il faut nous guider hein parce que avec ça, nous on sait faire de la purée d’avocat, pas des coiffures.

Un rire général remua l’atmosphère lourde de chaleur du salon. Reprise par le rire jaune de Moni, elle continua rapidement :

– C’est Nadège qui va s’occuper de vous, c’est notre pro des nattes.

– Okay, je vais vous dire quoi faire.
Tendant le sachet à Leslie qui se tenait à côté du miroir en face d’elle, elle dit : mélangez le bicarbonate au jus des citrons pour le shampoing, on va poser le mélange sur les cheveux mouillés pour laver. Pour le soin, ce sera avocat, miel, huile de coco et je passe au casque vapeur… Vous en avez un ? demanda-t-elle, en balayant le salon du regard…non.

– On va mettre un «plastique noir» sur vos cheveux et passer au casque normal ça fait le même effet.

– Ah bon ? Ça, je ne savais pas dit-elle en enlevant son foulard.

Moni dévoila alors sa chevelure noire, noir de jais, mi-longue avec des boucles serrées, très serrées.

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Comme effrayée à la vue de sa touffe, Nadège s’écria :

– Eh, vous avez encore les cheveux naturels ?!?! Hum, le prix change hein madame. Les cheveux naturels, Il faut sécher et lisser avant de tresser, ça fera donc plutôt 8 500.

– Comment ça ? Je ne vais pas sécher, ni lisser. On va juste bien essuyer avant de commencer à tresser.

– C’est à quelle occasion ce soir s’il vous plaît madame ? demanda alors Leslie.

Le regard inquisiteur et intrigué de Moni la poussa à continuer :

En fait, les cheveux naturels il faut les sécher avant de tresser, sinon ce ne sera pas lisse, ce sera «debout, debout» dès qu’on aura fini de tresser, «tu vois ?».

– C’est un mariage répondit Moni. Mais je ne vois pas le rapport. Ce sera comme des cheveux naturels c’est tout.

– Vraiment madame, ce ne sera pas présentable, continua Leslie, comme c’est une grande occasion ce serait mieux de «souffler» avant : ils seront plus lisses, faciles à coiffer. Après on peut vous faire les tresses mais avec mèche pour que ce soit long. Ou sinon, placer une greffe ? Elle interrogeait Moni du regard avant de continuer : on a toutes les mèches ici  ! La brésilienne, l’ind…

– Non non, coupa Moni. J’ai ce que je veux sur mon téléphone. Et 5000. C’est tout l’effort que je peux faire. C’est pas normal d’ailleurs… mais je sais comment vous êtes, si je n’ajoute rien vous n’allez pas me coiffer et je suis pressée.

Faisant mine de commencer, Nadège reprit :  « 6000 c’est votre prix madame. La journée finit comme ça, on n’a rien travaillé ».

– Allons-y, mais je ne veux pas cacher mes cheveux. Je les entretiens assez bien pour les cacher. Je vais vous guider, ça va aller.

Peinture enseigne de coiffure africaineFinalement, les pros ont fait la coiffure de Moni en suivant ses instructions, elle s’en allait coiffée en laissant derrière elle le club des trois, la langue bien pendue, Nadège dans le siège que Moni occupait, les autres sur leurs tabourets :

« – Une grande fille comme elle devrait déjà mettre la greffe ! s’exclama Leslie, Moni à peine éloignée. C’est plus présentable et rapide que ce qu’elle fait là. C’est sur qu’elle n’avait pas l’argent des mèches. Et puis, qui va la regarder au mariage là avec cette coiffure de bébé ? Pourtant elle est pas mal.

– Ah vraiment ! On aura tout vu ici…renchérit Nadège. Ce qui me tue c’est que mine de rien, avec ses techniques bizarres, c’était plus facile de tresser ses cheveux hein

– Et après les jeunes filles se plaignent de ne pas trouver de mari dans ce dehors ! La péruvienne et l’indienne que je vends là elle pense que c’est pour faire quoi ? c’est ce que les hommes aiment. Une fille comme ça, qui foire ses chances de se trouver un gars…

– Et même un travail ! Qui va l’accepter comme ça ? interrogeait Mia. C’est sûr qu’elle est au chômage, le nguémé* la gère…
En tout cas, heureusement que c’est mort aujourd’hui sinon vraiment, elle devait aller donner sa chimie là ailleurs.

Fou rire général. Et d’intrigues en intrigues, on règle le cas de Moni. Pourtant…

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Moni a 27 ans. Elle est mariée depuis 2 ans, elle a un double diplôme en Cosmétique et marketing. Depuis 3 ans, sa marque de fruits séchés se vend dans tous les supermarchés de la ville.

#Iamnotmyhair

https://www.jeuneafrique.com/mag/294171/culture/mode-africaine-cheveu-bataille/

https://afriquefemme.com/fr/80-beaute/cheveux?start=27

 

* Expressions camerounaises

  • Kaba Cellulaire: robe large coupée à mi-cuisse contrairement à sa forme traditionnelle, le Kaba Ngondo dont la longueur atteind généralement les chevilles
  • Le nguémé: encore appelé « foirage » désigne le fait d’être sans argent


Une issue de sortie de crise: se réinventer (Partie 1)

Image was captured by a camera suspended by a kite line. Kite Aerial Photography (KAP)

La crise économique fait rage, l’Etat ne peut plus assurer la conversion de la monnaie nationale en devises internationales échangeable avec d’autres pays pour continuer d’importer. Et pourtant le peuple veut: smartphones et tablettes, machines-à-tout-faire et médicaments de pointe, films et divertissements, chaussures et prêt-à-porter, moutarde et raisins,… qu’il ne produit pas. Longtemps ignoré ou étouffé, ce problème resurgit et cette fois, il faut prendre une décision. Malgré les plans d’ajustement proposés par l’Etat pour se crédibiliser aux yeux de ses bailleurs de fonds, ces derniers ont refusé d’octroyer les traditionnels emprunts qui lui permettent de maintenir pour ses populations, un train de vie proche de celui du vieux continent.  Aux ministères des finances, du commerce, les cabinets ministériels sont en réunion permanente : il faut trouver des issues de sortie de crise, jamais pareille situation n’a été vécue. Chose très rare, le président de La République vient de convoquer un conseil extraordinaire des ministres avec un ordre du jour très précis : Issues de sortie de crise économique.

Silence de mort, vive attention de l’assistance aux différents orateurs; de cette réunion sortira l’avenir de La République sur les cinq prochaines années. Tout commence par un rapport détaillé du Ministre des Finances:

En résumé, les cinq produits phares d’import-export dans l’ordre: à l’exportation, le bois, la banane, le cacao, le caoutchouc, le coton; à l’importation, les denrées alimentaires dont les plus prisées sont le riz, le blé, le poisson congelé, le sel de cuisine, les hydrocarbures, le clinker, les produits de quincaillerie et les produits chimiques industriels.

L’excédent de la balance commerciale est aujourd’hui de 692 Milliards dont 60% sont financés depuis les cinq années écoulées par les bailleurs de fonds. L’absence de ces derniers à la participation économique de l’année en cours nous oblige à revoir nos importations.

Cette analyse est suivie des analyses des Ministres du Commerce et de l’Agriculture, de l’Elevage, de la Pêche et du Développement rural :

Les denrées alimentaires importées sont destinées à la consommation nationale pour le riz et le poisson notamment mais aussi aux entreprises agro-industrielles: La Brasserie pour le blé et le maïs, LANA (Laiterie Nationale) pour l’amidon de manioc. Des situations similaires ont été vécues dans les années 90 mais, la structuration des filières viande rouge et avicole a permis d’augmenter considérablement la production nationale ; portant ces produits à un niveau marginal d’importation aujourd’hui.

Les performances commerciales de l’Etat pourraient être améliorées à l’intérieur du pays, notamment sur des produits dont nous avons des productions locales exportées tels que la banane et le riz ou encore peu explorées comme le poisson, le manioc…En outre, le potentiel national de production est important et certain au vu des terres cultivables, zones piscicoles et avicoles encore disponibles.

La sentence est lourde mais claire,

…Il va falloir limiter les importations à l’essentiel et améliorer nos capacités de production pour réduire à long terme les importations et garantir dans le futur une capacité d’importation.

Le travail en comité élargi pour définir les priorités permettra de donner une position définitive aux acteurs économiques.

Au bout de trois mois de travail acharné, une parution au Journal Officiel informe la population d’un ensemble de mesures de sortie de crise parmi lesquelles la suspension des importations de produits alimentaires dont la production nationale couvre à 85% la demande: viandes rouge, blanche et produits dérivés, fruits et légumes sous toute forme,… ceci pour limiter l’importation de certains produits agricoles qu’on peut transformer localement et sauver les récoltes nationales à 70% perdues post-récolte. En particulier, l’importation du riz, exonéré de droit de douane, sera réduite de 45% en raison du démantèlement d’un circuit de réexportation de 30% de cette denrée vers la sous-région.

En attendant une production locale, fini le pâté et la terrine de campagne, les saucisses, les cacahuètes, la noix de coco séchée et les pots d’ananas,…Pour Maoussi, distributeur officiel du riz national aux trois Etats voisins consommateurs, cette sentence sonne comme le glas de ses activités économiques. Heureusement, le semestre laissé pour la mise en application de cette sentence lui laisse le temps de penser à comment se réinventer…

To be continued…

https://ghide.overblog.com/2015/06/agriculture-le-cameroun-gros-importateur-des-produits-agricoles.html

https://crtv.cm/fr/latest-news/economie-3/consommationriz-la-fin-de-lexoneration-fiscale-va-booster-la-production-locale-16497.htm


Quotidien des femmes et filles du désert

Intriguée, je me suis levée pour regarder par la fenêtre, j’aperçus alors deux filles assaillies par un groupe de garçons. Pourquoi ce brouhaha de mots et de gestes désagréables… J’observai plus longtemps pour comprendre que les jeunes filles étaient en train d’être huées pour leurs qualités de femmes. Le groupe de garçons répétait à l’unisson des mouvements de va et vient avec la langue ; la main sur la culotte, ils soupesaient leurs attributs et c’était à qui mieux mieux ferait penser à ces femmes que leur seul rôle était de satisfaire les désirs de ces hommes. D’autres plus lâches, se rapprochaient d’elles, faisaient mine de passer la main sur leurs courbes féminines et d’y trouver plaisir bestial. Ce faisant, ils ralentissaient la progression des jeunes filles.

Dans ce pays où seuls les hommes sillonnent les rues, plusieurs passaient sans mot dire. Parfois un mouvement de tête dans leur direction ou un petit sourire en coin, mais personne pour défendre ces filles. Perplexe, je me tournai vers mon hôte : « Malika, viens voir cette scène ! Pourquoi personne ne fait rien ? ». Un sourire amer au coin des lèvres et sans détourner la tête du repas qu’elle apprêtait, elle répondit : « Je sais bien ce qui se passe. C’est le sort des femmes dans le désert. Une république de frustrés en boubou pense qu’elles ne sont bonnes qu’à ça : produire des repas et des enfants. Pour le reste, bien vouloir vous adresser aux mastodontes de l’hypocrisie.»

Première visite dans le désert, première journée, première impression de la vie ici.

africanesque femme desert

J’ai rencontré Malika durant nos études universitaires sur un autre continent. Femme forte et déterminée, passionnée de voyage et de lettres. Nos caractères nous ont vite rapproché et nous avons vécu ensemble jusqu’au jour où elle dû retourner dans son désert natal, au chevet de son père malade. Deux mois plus tard, elle m’annonçait son décès. Ne pouvant me retenir, ni de la soif de découvrir sa région natale, ni de l’envie d’épauler ma sœur qui venait de perdre son modèle de vie, je décidai de la rejoindre : le temps d’un break nécessaire pour continuer ma route de nomade-emploi.

À l’atterrissage, Malika m’attendait dans le hall mais, de l’aéroport jusqu’à son domicile nous ne croisâmes que trois femmes. Une qu’on pouvait deviner à l’arrière d’une grosse cylindrée aux vitres fumées, et les deux autres traversant la rue, chacune en compagnie d’un homme qui lui tenait la main. Aucune dans une boutique, derrière un volant, Malika était la seule et les regards qui se tournaient vers nous montraient bien que ce n’était pas chose courante. Après ma question, Malika commença alors à me relater sa vie de petite fille dans le désert. Puis, la vie de femme de sa mère dans le désert.

Fille d’une famille de trois dont un frère, une différence était toujours clairement dessinée entre les traitements réservés à son frère et ceux qu’elle devait respecter, en public du moins. Déjeuner en famille, les femmes, à l’arrière pour préparer le repas, pas de jeux pour ces petites. Apprenez donc à cuisiner et à servir vos hommes avec joie. À l’heure du thé, pas de lait pour vous, vous pourrez vous servir lorsque nous aurons terminé ; en rajoutant de l’eau dans la théière : ce thé léger devrait vous suffire. L’école, non pas pour vous, vous n’en aurez pas besoin. Que vous faut-il à la maison ? Seulement de quoi cuire nos repas ou vous faire belles. Faites une liste, un des élus pouvant circuler librement pourra vous ramener tout cela ce soir. Respectez la coutume, vous ne pouvez pas vous balader ainsi sans voile, c’est impur ! Cachez-vos boucles et bouches desquelles sortent le péché et par lesquelles la perte d’un homme peut vite arriver. Vos courbes et la peau que vous entretenez ne devront être vues que de votre mari, personne d’autre ! Voulez-vous voir le soleil ? Piquez une tête dans la cour. Le saré est fait tel que vous puissiez en profiter là toute la journée. La route, pas pour vous, les distractions non, les études et les commentaires du journal télévisé le soir, pas pour vous : à vos casseroles !

A la maison c’était différent, heureusement. Son père tenait à construire leur éducation différemment. Ayant étudié à travers les continents, il voulait pour ses filles une éducation et l’égalité des chances avec ses garçons. Ainsi, il demandait les coutumes dues à la naissance d’un garçon pour chacune de ses filles. Demandait l’avis de sa femme pour prendre des décisions. Ses frères s’en moquaient mais s’exécutaient, le trouvant ridicule. Il mit un point d’honneur à l’instruction de ses filles jusqu’à l’université et à la maison, aucun traitement de faveur n’était réservé aux mâles. Ne voulant pas choquer son entourage, il faisait vivre le monde et ses cultures à ses enfants depuis la pièce qu’il fréquentait le plus et qui très vite était devenue la pièce de vie : sa bibliothèque. Pleine de livres de tous âges, d’histoires et de savoirs de tous les horizons, il n’arrêtait pas d’en acheter durant ses nombreux voyages. Au fil des années, de lectures en lectures, il a atteint l’objectif qu’il s’était fixé. Léguer à ses filles un esprit libre des contraintes imposées par les cultures du désert, à ses garçons le respect de la femme comme être à part entière.

Il a créé chez lui la république de la liberté et de l’égalité grâce aux lectures partagées avec ses enfants et son exemplarité envers sa femme.

 

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